Au-delà de l’état du bâti qui q’est placé au-devant de la scène suite aux évènements récents et toujours en cours, l’espace public est ce qui fait Noailles avant tout. Avec ses occupations connues, méconnues, montrées, cachées, partagées, communes, privées, individuelles… Les espaces propices, les espaces inattendus, les places, les rues, une devanture, le pas d’une porte, une marche, un trottoir. L’interaction, l’indifférence, l’échange, le bruit, le silence.
L’ombre, la lumière. Les passants, les marchands, les habitants. La première fois que l’on vient à Noailles on peut se sentir troublé, perdu, presque en trop
au milieu de ces mouvements si nombreux et désorganisés. Flux denses et bouillonnants qui nous saisissent, et où l’on peine à s’arrêter.
Mais si l’on y revient, si l’on y reste suffisamment longtemps, on s’apercevra que l’on peut se fondre dans ce grand tout, chaos magnifique, que les gens y sont attentionnés, positifs, ouverts, souriants… Que l’on peut se sentir appartenir à cette vie singulière et bouillonnante.
La place des Capucins, c’est l’épicentre de cette vie bouillonnante propre à Noailles. Un point d’arrivée, un point de départ, toujours un lieu de passage. On y descend depuis le Cours Julien, on y remonte depuis la Canebière. On y arrive par le métro. Elle permet de desservir ensuite le reste de Noailles.
En partie haute de la place, la Bourse du Travail revêt un enjeu essentiel pour Noailles. Elle s’est refermée sur elle-même alors que ses qualités architecturales pour en faire un lieu d’accueil vivant et commun sont immenses.
Ce bâtiment appartient à la mairie, qui le prête au syndicat de la Force Ouvrière. Un bâtiment public qui ne participe aucunement au fonctionnement du quartier en restant imperméable à cette vie de l’espace public, et accentue les conflits d’usages que l’on retrouve sur la place dus, à la grande densité et diversité des activités.
Le premier constat fut que la Bourse est un des rares lieux dans Noailles en mesure de répondre tout de suite à l’urgence de la situation. Sans modifier quoique ce soit, cet espace en étant mis en commun par FO permet par exemple d’installer temporairement des logements d’urgences et les premières nécessités qui vont avec, ainsi que permettre aux associations du quartier qui n’ont même pas de locals à Noailles de s’y installer pour exercer leur influence depuis le centre du quartier… Exposer, dire, montrer, débattre, rencontrer, échanger, partager…
La Bourse du Travail est une poche de liberté dans un quartier en transition.
Comment imaginer l’évolution de cette structure ? Comment connecter cette structure à l’espace public ? Comment la transformer en lieu commun ?Comment permettre l’inconnu, le changement, le renouveau ?
Il s’agirait de penser l’espace des Capucins dans son ensemble, de replacer la Bourse au centre de cet espace public en la connectant à celui-ci, et en faisant en sorte qu’elle intègre des usages qui permettraient de faire fonctionner à la fois ce grand espace public mais aussi l’ensemble du quartier.
Encore plus qu’une question pratique, c’est une question symbolique que ce lieu puisse appartenir aux habitants du quartier et à ceux qui le pratiquent. Les Capucins c’est un centre pour le quartier, dans une ville polycentrique. Il y a donc des enjeux à plusieurs échelles. Qu’est-ce qu’un centre aujourd’hui ? Nous ne sommes plus dans le modèle historique place/église ou place/mairie. La question du programme est donc très importante. Quel programme pour le centre de Noailles ? Quel programme pour que ce centre entre en
réseau avec les autres centres de Marseille ? Quelle influence pourra avoir l’évolution de la Bourse sur l’ensemble des Capucins ? Re-questionner l’occupation des rez-de-chaussée, re-questionner le “tout habité” et imaginer l’implantation de nouveaux usages publics le long de cet ensemble…
Ce bâtiment public doit devenir un Commun.
Commun au quartier, aux habitants, aux besoins.
Le terme de commun doit être appréhendé comme un système de coopération permettant de préserver et de créer des formes de richesse partagée. Cela implique de nouveaux modèles de production, des formes plus ouvertes et responsables de participation des citoyens ainsi qu’une culture d’innovation sociale. Le programme doit partir des volontés et besoins des habitants et tous ceux qui pratiquent ce lieu. Partir des qualités architecturales du bâtiment et pas faire renter un “programme au chausse-pied”. La Bourse du Travail doit évoluer pour devenir un espace de-spécifié, comme une éponge
qui s’imprègnerai en permanence des besoins du quartier. Elle pourrait accueillir un programme, le faire fonctionner avant qu’il soit implanté ailleurs de manière pérenne dans Noailles. Petit à petit certains usages s’installeraient dans la bourse dans des temps plus longs, cohabiteraient avec d’autres usages… L’essentiel étant que ce lieu devienne un incubateur social, économique, culturel, politique…